M. CASTANET René 
Préhistorien né à Sergeac Dordogne

Qu'est-ce pour vous, la Préhistoire ?

Tout d'abord, c'est ma vie. Il faut dire que je suis né dans le contexte, même que j'ai attrapé le virus en naissant, si je puis dire. Ensuite, j'ai tout fait pour rester vivre ici en Dordogne et plus particulièrement sur le site de Castel Merle. Je suis un paysan et un préhistorien, tout comme l'était mon père Marcel Castanet. J'ai poursuivi la passion de celui-ci mais comme la Préhistoire ne rapportait pas suffisamment, j'ai crée ma propre activité pour gagner ma vie et celle de ma famille : j'ai monté l'Auberge de Castel Merle dans les années 60. C'est ma fille qui la tient désormais car je suis à la retraite.

La Préhistoire, c'est donc avant tout, une histoire de famille ?

Il faut dire que toute la famille est très attachée à ce terroir, à son esprit, à son histoire... Savez-vous que j'ai aussi été maire de Sergeac pendant 48 ans ? Ce vallon de Castel Merle constitue un gisement avec une concentration exceptionnelle d'habitats préhistoriques. C'est ma mère qui est de Sergeac. Mon père lui était d'un proche village, Saint Léon sur Vézère. Dans sa jeunesse, il avait entendu parler de gens qui cherchaient des pierres taillées. Nous remontons alors avant 1850, aux temps des " pionniers " de la Préhistoire comme M. Boucher de Perthes, douanier de son état, qui visitait des carrières de pierre et de gravier dans la Somme. Il trouvait des objets qu'il prétendait taillées par l'homme avant le Déluge… Il fit scandale bien que soutenu dans ses affirmations par des naturalistes anglais.


En Dordogne à l'époque, beaucoup de gens possédaient une petite propriété de tabac. M. Reverdit qui travaillait à la Manufacture des Tabacs de Montignac lui aussi avait trouvé des pierres taillées dans les champs. Puis, il trouva l'abri qui porte toujours son nom et qu'il est encore possible de visiter de nos jours. Dans ces années-là, les fouilles ont souvent été faites en dépit du bon sens et ont détruit certaines œuvres. Il faut dire que bon nombre de ces objets constituait également un business non négligeable au début du siècle précédent. Des objets ont été perdus, d'autres vendus.
Mon père a acquis des connaissances auprès de l'abbé Breuil et de M. Peyrony. Il a perfectionné les méthodes de fouilles en inventant la technique du tamis pour passer au peigne fin la terre dégagée.
Aujourd'hui, c'est la jeunesse qui prend la relève. Ma petite fille est archéologue et je viens d'être récemment arrière-grand-père. J'espère tout naturellement que cet arrière-petit-fils poursuivra notre chemin familial.

- Quelle est la découverte qui vous a le plus marqué ?

A Castelmerle, celle des bijoux, des peintures et des gravures sur les blocs d'effondrement de la voûte des abris. Quand vous mettez cela à nu, c'est un émerveillement. C'est très émouvant, vous savez.
Je suis également un passionné de spéléologie et j'ai découvert bien des curiosités dans le monde souterrain. J'ai aussi travaillé sur le site de Lascaux au moment de sa découverte. Ce sont là d'excellents souvenirs…

- Qu'auriez-vous aimé découvrir un jour ?

Une belle cavité ornée.

- Sur le site de Castelmerle, quelle est la question essentielle pour laquelle nous n'avons pas de réponse et que vous auriez aimé connaître ?

Les Néandertaliens n'ont pas vécu dans le vallon de l'abri Castanet. Pourtant, ils ont habité sur le site bien avant les Sapiens. Pourquoi se sont-ils contentés des abris du flanc exposé au nord alors qu'ils y avaient des abris plus ensoleillés et plus accueillants juste en face et probablement disponibles… N'étaient-ils pas arrivés les premiers ? Ils avaient certainement eu le choix… Alors pourquoi ?

- Comment voyez-vous l'avenir de l'humanité ?

Pas très souriant à vrai dire dans un monde de business avant tout ; je suis assez pessimiste. L'homme s'autodétruit.

- Avez-vous un message pour nos lecteurs ?

Tout d'abord, j'aimerai d'avantage de prise de conscience de la part de certains professionnels au sujet de la conservation des habitats préhistoriques existants. Leur protection laisse à désirer.
Ensuite, au niveau des musées par exemple, je souhaiterai qu'une promotion soit réalisée pour plus d'initiation à la Préhistoire. Enfin, je crois qu'au niveau de l'enseignement, l'Éducation Nationale devrait revoir ses cours sur la Préhistoire.

(Avril 2004, recopie de préhistoire pasion)